Thèse, mémoire
Réduire l'exposition au tabac en établissement pénitentiaire, une recherche interventionnelle : de l'exploration des pratiques à la co-construction de l'intervention
(Reducing tobacco exposure in prisons, intervention research : from exploring practices to co-constructing the intervention)
Auteur(s) :
PICOT-NGO, C. (Auteur) ;
CHEVREUL, K. (Directeur de thèse) ;
KIVITS, J. (Directeur de thèse)
Année :
2024
Page(s) :
266 p.
Langue(s) :
Français
Domaine :
Tabac / Tobacco / e-cigarette
Thésaurus géographique
FRANCE
Thésaurus mots-clés
PRISON
;
TABAC
;
INTERVENTION
;
TABAGISME PASSIF
;
FOCUS GROUP
;
ETUDE QUALITATIVE
;
PERSONNEL PENITENTIAIRE
;
ARRET DU TABAC
;
SEVRAGE
;
REDUCTION DES RISQUES ET DES DOMMAGES
;
OUTIL DE PREVENTION
;
STIGMATISATION
Note générale :
Thèse de doctorat en Santé Publique, Université Paris Cité
Résumé :
FRANÇAIS :
En France, la consommation de tabac en prison est légale, et environ 73 % des détenus fument durant leur incarcération. La consommation de tabac constitue l'une des principales causes de maladies chroniques et de mortalité dans cette population, renforçant ainsi les inégalités sociales de santé. Cependant, aucun programme national d'aide à l'arrêt du tabac spécifique à la détention n'est actuellement mis en place en France. Dans le cadre du projet de recherche interventionnelle TABAPRI visant à développer, à mettre en oeuvre et évaluer un programme de réduction ou d'arrêt du tabac spécifiquement adapté au milieu carcéral, cette thèse a été réalisée afin d'étudier le contexte d'intervention et de co-construire un programme de réduction de la consommation de tabac avec les personnes détenues. Il s'agit d'une part de mieux comprendre les spécificités sociales et émotionnelles liées aux usages de tabac en prison, ainsi que les perceptions des obstacles à l'arrêt et, d'autre part, d'identifier les configurations envisageables d'une intervention acceptable et pertinente dans le contexte des prisons. Basé sur des méthodes issues de la recherche qualitative, le travail s'articule autour de deux grandes étapes : 1/ Contextualisation : 51 entretiens individuels semi-directifs ont été réalisés avec des personnes détenues et des professionnels pour identifier les rôles du tabac et les facteurs influençant la consommation et l'entrée dans une démarche de sevrage. 2/ Co-construction : 7 focus groupes ont été organisés avec des détenus et un détenu à été intégré à l'équipe pour élaborer collectivement des stratégies d'arrêt du tabac et développer une boîte à outils fondée adaptées à leur besoins et réalités. Les résultats de la première étape révèlent que la gestion de l'ennui et des émotions sont les principaux facteurs de consommation de tabac en détention ; les rôles et usages sociaux du tabac sont également mis en évidence. Parmi les obstacles au sevrage, figurent les perceptions fausses sur le sevrage et ces instruments (substituts nicotiniques et unités sanitaires), l'exposition au tabagisme passif et un accès limité aux activités de groupe ou aux produits de substitution et à la vapoteuse. Plusieurs leviers d'action sont identifiés dans l'analyse des résultats de la deuxième étape : le changement des représentations liées au sevrage, l'organisation d'activités spécifiques au contexte carcéral, l'encouragement de l'entraide entre détenus, et la mobilisation du soutien familial. La phase de co-construction a reposé sur la présentation des résultats de la première phase aux détenus, favorisant ensuite des échanges entre l'équipe de recherche et les détenus afin de définir un ensemble d'actions concrètes tenant compte des ressources disponibles et des contraintes propres à la détention, et incluant l'organisation de plusieurs modules : un événement de lancement interactif pour diffuser des informations incitatives ; un atelier de bilan individuel pour évaluer sa consommation, définir ses besoins et élaborer une stratégie personnalisée ; plusieurs ateliers thématiques reposant sur les ressources mobilisées par les détenus fumeurs ou anciens fumeurs pour se passer du tabac (activité physique, alimentation, relaxation, substituts nicotiniques et vapoteuse, arts et jeux). Cette thèse discute de l'intérêt d'articuler exploration du contexte d'intervention et participation des populations concernées, pour élaborer des stratégies concrètes et acceptables. Dans cette étude, les personnes détenues ont été impliquées à l'ensemble de la démarche de recherche pour favoriser la co-construction d'un programme qui soit adapté à leurs besoins et réalités. En proposant des solutions innovantes pour la réduction des risques et la promotion de la santé dans un contexte difficile, cette étude contribue à la lutte contre les disparités sociales de santé. [Résumé d'auteur]
ENGLISH:
In France, tobacco consumption in prisons is legal, and approximately 73% of inmates smoke during their incarceration. Tobacco use is one of the leading causes of chronic diseases and mortality in this population, thereby reinforcing social health inequalities. However, there is currently no national smoking cessation program specifically designed for correctional facilities in France. As part of the TABAPRI intervention research project aimed at developing, implementing, and evaluating a tobacco reduction or cessation program specifically tailored to the prison environment, this thesis was conducted to study the intervention context and co-construct a tobacco consumption reduction program with the incarcerated individuals. The objective is twofold: first, to better understand the social and emotional specifics related to tobacco use in prison and the perceptions of barriers to quitting; second, to identify feasible configurations of an acceptable and relevant intervention in the prison context. Based on methods from qualitative research, the work is structured around two main phases: 1/ Contextualization: 51 semi-structured individual interviews were conducted with inmates and professionals to identify the roles of tobacco and the factors influencing its consumption and the initiation of a cessation approach. 2/Co-construction: 7 focus groups were organized with inmates, and one inmate was integrated into the team to collectively develop smoking cessation strategies and create a tailored toolkit based on their needs and realities. The results of the first phase reveal that managing boredom and emotions are the main factors for tobacco consumption in detention; the social roles and uses of tobacco are also highlighted. Among the barriers to quitting are misconceptions about cessation and its instruments (nicotine substitutes and health units), exposure to secondhand smoke, and limited access to group activities, substitute products, or vaping devices. Several action levers are identified in the analysis of the results from the second phase: changing representations related to quitting, organizing activities specific to the prison context, encouraging mutual support among inmates, and mobilizing family support. The co-construction phase was based on presenting the results of the first phase to inmates, subsequently fostering exchanges between the research team and inmates to define a set of concrete actions considering the available resources and the constraints inherent to detention. This included organizing several modules: an interactive launch event to disseminate encouraging information; an individual assessment workshop to evaluate consumption, define needs, and develop a personalized strategy; and several thematic workshops based on resources mobilized by inmate smokers or ex-smokers to cope without tobacco (physical activity, nutrition, relaxation, nicotine substitutes and vaping, arts, and games).This thesis discusses the importance of articulating the exploration of the intervention context and the participation of the concerned populations to develop concrete and acceptable strategies. In this study, inmates were involved throughout the research process to foster the co-construction of a program that is adapted to their needs and realities. By proposing innovative solutions for risk reduction and health promotion in a challenging context, this study contributes to combating social health disparities. [Author's abstract]
En France, la consommation de tabac en prison est légale, et environ 73 % des détenus fument durant leur incarcération. La consommation de tabac constitue l'une des principales causes de maladies chroniques et de mortalité dans cette population, renforçant ainsi les inégalités sociales de santé. Cependant, aucun programme national d'aide à l'arrêt du tabac spécifique à la détention n'est actuellement mis en place en France. Dans le cadre du projet de recherche interventionnelle TABAPRI visant à développer, à mettre en oeuvre et évaluer un programme de réduction ou d'arrêt du tabac spécifiquement adapté au milieu carcéral, cette thèse a été réalisée afin d'étudier le contexte d'intervention et de co-construire un programme de réduction de la consommation de tabac avec les personnes détenues. Il s'agit d'une part de mieux comprendre les spécificités sociales et émotionnelles liées aux usages de tabac en prison, ainsi que les perceptions des obstacles à l'arrêt et, d'autre part, d'identifier les configurations envisageables d'une intervention acceptable et pertinente dans le contexte des prisons. Basé sur des méthodes issues de la recherche qualitative, le travail s'articule autour de deux grandes étapes : 1/ Contextualisation : 51 entretiens individuels semi-directifs ont été réalisés avec des personnes détenues et des professionnels pour identifier les rôles du tabac et les facteurs influençant la consommation et l'entrée dans une démarche de sevrage. 2/ Co-construction : 7 focus groupes ont été organisés avec des détenus et un détenu à été intégré à l'équipe pour élaborer collectivement des stratégies d'arrêt du tabac et développer une boîte à outils fondée adaptées à leur besoins et réalités. Les résultats de la première étape révèlent que la gestion de l'ennui et des émotions sont les principaux facteurs de consommation de tabac en détention ; les rôles et usages sociaux du tabac sont également mis en évidence. Parmi les obstacles au sevrage, figurent les perceptions fausses sur le sevrage et ces instruments (substituts nicotiniques et unités sanitaires), l'exposition au tabagisme passif et un accès limité aux activités de groupe ou aux produits de substitution et à la vapoteuse. Plusieurs leviers d'action sont identifiés dans l'analyse des résultats de la deuxième étape : le changement des représentations liées au sevrage, l'organisation d'activités spécifiques au contexte carcéral, l'encouragement de l'entraide entre détenus, et la mobilisation du soutien familial. La phase de co-construction a reposé sur la présentation des résultats de la première phase aux détenus, favorisant ensuite des échanges entre l'équipe de recherche et les détenus afin de définir un ensemble d'actions concrètes tenant compte des ressources disponibles et des contraintes propres à la détention, et incluant l'organisation de plusieurs modules : un événement de lancement interactif pour diffuser des informations incitatives ; un atelier de bilan individuel pour évaluer sa consommation, définir ses besoins et élaborer une stratégie personnalisée ; plusieurs ateliers thématiques reposant sur les ressources mobilisées par les détenus fumeurs ou anciens fumeurs pour se passer du tabac (activité physique, alimentation, relaxation, substituts nicotiniques et vapoteuse, arts et jeux). Cette thèse discute de l'intérêt d'articuler exploration du contexte d'intervention et participation des populations concernées, pour élaborer des stratégies concrètes et acceptables. Dans cette étude, les personnes détenues ont été impliquées à l'ensemble de la démarche de recherche pour favoriser la co-construction d'un programme qui soit adapté à leurs besoins et réalités. En proposant des solutions innovantes pour la réduction des risques et la promotion de la santé dans un contexte difficile, cette étude contribue à la lutte contre les disparités sociales de santé. [Résumé d'auteur]
ENGLISH:
In France, tobacco consumption in prisons is legal, and approximately 73% of inmates smoke during their incarceration. Tobacco use is one of the leading causes of chronic diseases and mortality in this population, thereby reinforcing social health inequalities. However, there is currently no national smoking cessation program specifically designed for correctional facilities in France. As part of the TABAPRI intervention research project aimed at developing, implementing, and evaluating a tobacco reduction or cessation program specifically tailored to the prison environment, this thesis was conducted to study the intervention context and co-construct a tobacco consumption reduction program with the incarcerated individuals. The objective is twofold: first, to better understand the social and emotional specifics related to tobacco use in prison and the perceptions of barriers to quitting; second, to identify feasible configurations of an acceptable and relevant intervention in the prison context. Based on methods from qualitative research, the work is structured around two main phases: 1/ Contextualization: 51 semi-structured individual interviews were conducted with inmates and professionals to identify the roles of tobacco and the factors influencing its consumption and the initiation of a cessation approach. 2/Co-construction: 7 focus groups were organized with inmates, and one inmate was integrated into the team to collectively develop smoking cessation strategies and create a tailored toolkit based on their needs and realities. The results of the first phase reveal that managing boredom and emotions are the main factors for tobacco consumption in detention; the social roles and uses of tobacco are also highlighted. Among the barriers to quitting are misconceptions about cessation and its instruments (nicotine substitutes and health units), exposure to secondhand smoke, and limited access to group activities, substitute products, or vaping devices. Several action levers are identified in the analysis of the results from the second phase: changing representations related to quitting, organizing activities specific to the prison context, encouraging mutual support among inmates, and mobilizing family support. The co-construction phase was based on presenting the results of the first phase to inmates, subsequently fostering exchanges between the research team and inmates to define a set of concrete actions considering the available resources and the constraints inherent to detention. This included organizing several modules: an interactive launch event to disseminate encouraging information; an individual assessment workshop to evaluate consumption, define needs, and develop a personalized strategy; and several thematic workshops based on resources mobilized by inmate smokers or ex-smokers to cope without tobacco (physical activity, nutrition, relaxation, nicotine substitutes and vaping, arts, and games).This thesis discusses the importance of articulating the exploration of the intervention context and the participation of the concerned populations to develop concrete and acceptable strategies. In this study, inmates were involved throughout the research process to foster the co-construction of a program that is adapted to their needs and realities. By proposing innovative solutions for risk reduction and health promotion in a challenging context, this study contributes to combating social health disparities. [Author's abstract]
Affiliation :
École doctorale Pierre Louis de Santé Publique (ED393), UMR 1123 - Evaluation et reCherche En services et politiques en santé pour les populations VulnérablEs (ECEVE), INSERM, Paris, France