Que peut-on attendre d'une clinique de la substitution ? Ne serait-ce pas, dans le déploiement du temps de parole prêté au patient, de lui permettre de passer d'un discours de la maîtrise - je sais ce qu'il me faut - à un discours de la demande - à en sortir, par exemple. A qui s'adresse cette demande ? la plupart du temps, au médical en général. La toxicomanie est sans doute l'adresse à la médecine qui vient le plus révéler les limites de la médecine scientifique, ces limites n'étant pas un appel à élargir toujours plus le savoir constitué, mais à savoir changer de registre, à pouvoir soutenir une demande au-delà de son immédiateté, à passer du registre du besoin (satisfait pas l'objet) au registre de l'irréductible du désir. C'est autour de la question du manque que la psychanalyse vient faire contrepoint au discours médical. Opérant dans le champ du langage, elle reconnaît au manque sa part irréductible. Toute la question est bien sûr de voir comment au sein de nos dispositifs de soins nous ferons coïncider ces deux discours. N'y a-t-il d'élaboration possible qu'en dehors de la rencontre où se prescrit le produit ? Ou faudra-t-il aux médecins apprendre à prescrire " dans la désespérance " ? En ce qui concerne les nouvelles prises de produits (XTC etc.) qui théoriquement n'induisent plus de " manque " physique, on ne peut que s'interroger sur le peu de demandes de soins qui s'élaborent. Dans le même temps, le discours qui enrobe ces nouvelles substances présente une ressemblance frappante avec le discours véhiculé par les firmes pharmaceutiques lorsqu'elles s'ingénient à proposer à l'angoisse, à la dépression, à l'impuissance, une solution médicamenteuse : comme si à tout malaise subjectif, à toute difficulté du lien à l'autre, existait un remède adéquat. En quoi ce phénomène interroge-t-il nos pratiques de soins des héroïnomanes ? (argument de l'auteur).