La scène ouverte de la drogue à Zurich et la distribution d'héroïne en Suisse alémanique alarment les Suisses. Pourtant, la consommation d'héroïne reste minoritaire dans la population helvétique. Quant à la distribution d'héroïne depuis 1992 dans certains cantons, elle entre dans un programme expérimental de substitution et reste très éloignée d'une perspective de libéralisation de la consommation des drogues dures. Selon l'auteur la société suisse prend peur car elle intègre un mythe de l'héroïne reprenant le cliché du junkie. Mais l'apparition de consommateurs socialement intégrés fissure ce mythe. Outre cette redéfinition sociale de l'héroïne, une redéfinition clinique découle de la mise en place de ces programmes de distribution d'héroïne : en effet, c'est le corps médical lui-même qui démythifie l'héroïne en le prescrivant comme un médicament. Un mouvement d'opposition "jeunesse sans drogue", prone la prohibition et l'abstinence et tente d'influencer la politique gouvernementale par vote populaire. Le gouvernement helvétique a élaboré un contreprojet de réforme de la loi sur les stupéfiants sous forme d'une "troisième voie" entre répression et libéralisation. L'auteur conclut en constatant que la politique de la drogue de la confédération helvétique qui vise à réduire l'étendue de la dépendance et à endiguer ses conséquences individuelles et sociales, semble avoir accepté qu'une société sans drogue ni toxicomane est un rêve pieux. De là à rendre l'héroïne "présentable" il reste encore un long chemin à parcourir.