Résumé :
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" Nous n'avons plus le temps " conclut Jacques Derrida, à l'issue d'une intervention dense, précise, évidemment non résumable, et située au coeur des débats qui agiteront longtemps encore le champ des addictions. Ayant choisi de traiter du terme " produits de substitution ", il s'en livre à une déconstruction radicale, basée sur des arguments précis et documentés, ainsi que sur des prises de position du Centre Marmottan et de C. Olievenstein. Partant de considérations connues sur la "rhétorique de la drogue ", il souligne que les poisons, la toxicité, existent dans la nature, mais non la drogue, construction culturelle, déjà substitution, supplément ou suppléance, qui occupe la fonction du pharmakon dangereux. Le "traitement de substitution" est la proposition du remplacement de ce pharmakon poison par un pharmakon remède, production technique, industrielle, scientifique, et prise dans le marché économique. Cette deuxième substitution en est en fait une troisième, le toxicomane occupant une place de pharmakos, de victime émissaire, de sans-lieu, décrit de façon allégorique comme corps étranger, l'accueil et le soin alors liés à l'hospitalité. L'aporie relevée dans la présentation du Centre Marmottan, entre accueil inconditionnel et contrat de soins, lui permet de souligner d'autres tensions, qui impliquent une exigence éthique particulière. Notamment celles, inévitables, non dépassables, entre l'écoute clinique, ce lieu "d'où la psychanalyse ne doit pas être oubliée", et la notion même de soin. Le risque du contrôle, où, en ce qui concerne la substitution, de la "camisole chimique " n'est-il pas déjà ici présent ? Ce croisement obligé de la substitution "quasi physico chimique" avec l'écoute singulière des substitutions signifiantes et transférentielles, repose, de façon aiguë en ce qui concerne le toxicomane, les questions éternelles de l'âme et du corps.
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